Maîtrise d’œuvre externe : jetés à corps perdus dans l’impossible ?

Rédigé le 17/01/2023


Les embauches et les prestations d’appui aux projets ne suffisant pas à faire face au mur d’investissement très proche, la direction parie sur une nouvelle couche de sous-traitance, « la maîtrise d’œuvre externe » (MOEE). Ce clé en main théorique peut englober de larges pans de nos missions, de l’avant-projet jusqu’à la clôture des affaires. La CFDT demande : Quand admettra-t-on qu’il sera impossible d’atteindre l’ensemble de ces objectifs à temps ? Est-ce que la direction mesure bien les risques de déstabiliser plus encore D&I avec la MOEE ?  


En CSE D&I du 12 janvier 2023, la direction a présenté pour information tout un dossier de recours à la MOE externalisée (MOEE) dans les domaines LA et LS. L’entrant est donné : d’ici à 2030, le rythme de renouvellement de réseau doit être multiplié par 4. 

Pour augmenter la capacité à faire, elle compte sur les effectifs supplémentaires, notables mais encore trop maigres au regard des attendus (+20 ETP/an en LA/LS de 2023 à 2025), sur une plus grande productivité interne  (ne pas douter des pouvoirs magiques d’un meilleur processus décisionnel, du pilotage maille 1 et des SRLA) et sur bien plus de sous-traitance par l’« industrialisation des prestations d’appui externe » (AOI, ACE, ACC) et enfin, pièce maitresse de l’ambition, par un marché de MOEE pour sous-traiter entièrement, sur des projets, les phases de conception et/ou de réalisation sous le pilotage d’un manager de projet D&I. Pourtant le REX des 4 expérimentations 2022 a surtout, à ce stade, démontré que l’investissement temps en interne/travail fourni n’était pas au rendez-vous. 

La direction vit en théorie, les salariés vivront les difficultés 

Dans son analyse à la hâte, la direction annonce que 70 % des projets LA et 60 % de ceux LS sont éligibles à la MOEE et que les prestations réelles représenteraient 15 à 20% du CAPEX LA et LS sont éligibles à la MOEE et que les prestations réelles représenteraient 15 à 20% du CAPEX LA et LS. A cela se rajoute l’appui extérieur issu des prestations d’appui aux projets (PAP). En empilant les 2 sous-traitances (PAP et MOEE), près de la moitié des investissements passeraient à la main d’externes.  

Et cela en tablant de manière très optimiste sur plusieurs points : 

  • La performance des MOEE, toute théorique, qui nécessite de maitriser les prérequis outils, les processus spécifiques à RTE et nos marchés travaux… 
  • Des gains de productivité en interne stratosphériques, notamment en LA, sur des hypothèses assez vaporeuses. 
  • Un appui renforcé de la Direction Achats, notamment pour les réclamations, sans garantie 

Enfin, sans attendre, la direction envisage l’extension de cette orientation dans les domaines postes et contrôle-commande courant 2023 ! 

Des risques majeurs : métiers D&I dénaturés, impacts pour toute l’entreprise 

Tout cela implique évidemment un vrai chamboulement des missions à D&I pour les décennies à venir : 

  • pour les managers de projet, la direction envisage d’en « professionnaliser » au « contract management de la MOEE » 25% à 40%, selon que le centre accueille un SRLA ou pas. Il y aurait donc les managers de projet « intégré » d’une part (c’est-à-dire les managers de projet que l’on connait actuellement) et les managers de projets MOEE exclusivement de l’autre. Ces derniers se limiteraient à de la maitrise d’ouvrage pure, ce qui serait inédit à RTE. 
  • pour les équipiers d’études, 50% seront régulièrement amenés à faire des suivis ponctuels des livrables de MOEE au lieu de porter les études techniques de détail du projet notamment. Idem vraisemblablement pour les concertants. Le « contract management », le survol et les sollicitations en mode « pompier » deviendront la norme pour 20 % des affaires. 

Et que dire des contrôleurs de travaux qui devront, en plus de superviser des contrôleurs externes (ACC), aussi contrôler le MOEE lors de contrôle chantier, des SPC engorgés... 

Nous avons alerté sur les risques de perte d’efficacité et de boom des irritants, avec toutes les nouvelles interfaces groupements de poste et ASI/MOEE/managers de projet, mais aussi pour les consignations, avec le STH, avec les GIE etc.  

Après contestations, nous avons obtenu un 1er engagement de la part du directeur D&I, Khalid ABDALLAOUI : si après 3 ans de mise en place, la maitrise d’œuvre externalisée n’a pas permis d’augmenter substantiellement les investissements et représente un taux d’ingénierie trop lourd, un retour en arrière serait possible.  

Vos élus CFDT vont faire usage de tous les moyens en leur possession, en intersyndicale si possible, pour que la pertinence de cette politique soit réellement évaluée avant sa mise en place. La CFDT continue à réclamer plus d’embauches, le maintien des compétences internes et la préservation des équilibres dans les missions des salariés de D&I !